Cet impérieux besoin… – Flow du #18/10/2023

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Cet impérieux besoin… – Flow du #18/10/2023

 

 

…de légèreté

 

 

 

« À ma fille

 

 

 

Ce matin, j’ai pleuré. De fatigue.

Pas physique, je n’en suis pas là. Je crois que ça ne m’est jamais arrivé, ou peut-être une fois. Je suis trop paresseuse physiquement pour en arriver là.

Fatigue de mental. Ça, par contre, ça m’est arrivé souvent.

Mais là ça faisait longtemps (une semaine ?) que je n’avais pas pleuré. Pourquoi au juste… Un sentiment d’injustice un peu, de non-reconnaissance un peu aussi, d’inutilité aux autres, d’inutilité de mes efforts, de ma façon de voir les choses, oh merde. Se donner du mal, accorder au mieux les éléments extérieurs pour réharmoniser l’intérieur — de la maison, de soi. Et devoir entendre les critiques, seulement négatives, de quelques-uns de ces éléments extérieurs. Ça ne va jamais comme ils voudraient avec leur façon de voir à eux.

 

Alors j’ai pris l’aspirateur et j’ai enfin aspiré le plafond. Après le sol. Ce qui est un peu idiot, c’est vrai, mais on fait toujours le sol en premier. Et jamais le plafond. Au bout de quinze ans, ce n’étaient plus les araignées qui vivaient chez nous, mais l’inverse. Draps à la machine à laver, poubelles vidées, bidules pas à leur place à leur place. Légèreté donnée par le nettoyage et le rangement.

 

Je repensais à l’insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera, et je me rendais compte que j’avais encore oublié de quoi parle le livre, comme la plupart des livres que je lis. Ma mémoire est coquine, j’aimerais bien me souvenir de ces choses-là. Du coup je me disais qu’il faudrait que je le relise.

 

 

Légèreté, c’est toi Anne qui a remis ce mot-clé dans mon oreille.

J’en ai plein des mots-clés. Et le sujet de mon Manuel de survie, c’est ça, justement, ces mots qui m’importent, à la définition délicate, élégante, importante, des mots à apprivoiser dans la vie pour mieux naviguer dans ce tumulte, inconnu et perturbant pour les jeunes enfants, contrariant pour les ados, et souvent aussi pour les plus grands.

Tumulte parfois hostile, parfois merveilleux et délicieux, comme la Grande Vague d’Hokusai, bref, tous ces états extérieurs qui nous remuent. De ce côté-là, j’ai l’impression d’avoir 200 ans (par rapport à certains ça doit être le cas).

L’hypersensibilité est à la mode, on devrait plutôt s’occuper de la sensibilité tout court.

Les mecs ils parlent d’art comme s’ils étaient Shakespeare ou Monet, ils ne savent même pas dessiner ni écrire.

Ça m’énerve, ça ne devrait pas, élément extérieur. Mais ce n’est pas comme ça qu’on va avancer, hein. Enfin, ce n’est pas d’hier, la nature humaine.

Et c’est pour ça qu’elle me fascine : j’ai tellement de mal à l’accepter, en tant qu’humaine.

Alors le cheval rue un peu, il est un peu contrarié. Comme Jasie, tiens. Jasie c’est ma jument, je crois qu’elle est contrariée de nature : je n’ai jamais vu un cheval râler autant, mais toujours d’accord pour y aller (contrariée, mais pas contrariante, la jument). C’est génial (et curieux) comme mes chevaux m’ont aidé à découvrir la nature humaine, sous un autre angle justement, celui du cheval. Je pourrais écrire des pages et des pages sur eux, leurs attitudes, leurs silences qui en disent si long.

 

 

Je reviens à l’hypersensibilité

et à la sensibilité tout court, en premier lieu. Et à ma légèreté ménagère. Et à mes besoins. Que cette légèreté est une nécessité pour vivre en paix. D’où l’impérieux besoin. De légèreté.

 

Ce bouquin de mots-clés, je l’avais écrit pour ma fille, au départ. Mais elle aura ses mots-clés à elle, qui ne seront pas les miens. Je ne pourrai pas l’écrire pour elle, ça ne peut pas être son manuel à elle, ça signifierait que je décide quelles sont les valeurs et les définitions qu’elle y met. Non. Donc ce livre sera bien pour elle, mais pour la dédicace seulement, car j’y aurai mis mes tripes en l’écrivant, avec cet espoir de la protéger, de lui donner les codes que je n’ai pas eus, un GPS, une carte, des explications qui rassurent, un doudou, un morceau de Maman.

Mais non en fait. Ce sera juste un peu de sa mère que je lui laisse, une simple discussion possible quand je ne serai pas (ou plus) là.

À toi, ma petite, ma grande Aïna.

Ton prénom signifie la Vie en malgache, tu devrais bien t’en débrouiller, tu fais déjà beaucoup mieux que moi au même âge. Pour la suite je te fais confiance.

 

Ta petite et grande Maman »

 

 

Audrey Fario, 18 octobre 2023

 

 

 

télécharger le pdf : audreyfario- Cet impérieux besoin de légèreté- nouvelle

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