Rire ou pleurer? #lachronique
Les deux, bien sûr!
Jeudi 5 heures #28/12/2023
Bonjour les yeux des émotifs, des sensibles, des hyper-, et les autres,
… et bienvenue chez moi, dans ce petit bout de ma tête qui parle !
Aaah, ça me fait plaisir, je me sens moins seule… (oui je sais, ça ne se dit pas « ça me fait plaisir » ou « fais plaisir à machin-papa-maman-tatie-etc. »), c’est pas moi qui l’ai dit, c’est la CNV (communication non violente, pour ceux qui ne savent pas encore, on y reviendra tout à l’heure).
C’est parti pour les outils !
1- Premier outil indispensable : recul et nuance
(Oui, j’en ai mis deux, ils vont ensemble.)
« Jean qui pleure et Jean qui rit », l’ascenseur émotionnel, bonne nouvelle : c’est naturel !
Pourquoi aller contre, alors ?
Pourquoi ne pas s’autoriser à vivre ces émotions qui nous traversent (submergent) ?
Est-ce que c’est plus difficile pour les hommes qui entendent depuis l’enfance que « ça pleure pas, les garçons » ?
Parce que c’est inconfortable personnellement ? Socialement ?
Et pourquoi c’est inconfortable ?
Parce qu’on n’a pas été habitués à l’accepter ?
On dirait que le serpent se mord la queue – et puis c’est rigolo de répondre à une question par une autre question.
Les normes sociales nous regardent de travers. Enfin non, je reformule : ce n’est pas la société qui nous regarde, c’est nous qui nous sentons regardés de travers, par ces normes. Nuance de taille. La société n’est pas une immense dame un peu sévère habillée en noir avec des lunettes à grosse monture (entre Super Nanny et la mère Mac Miche, version XXL-géante-du-cosmos, je ne sais pas vous, mais moi je la vois bien, là – s’il y en a qui veulent la dessiner, je serais curieuse de voir leur croquis). Bref, notre regard sur nous-mêmes n’est pas très clair. Pas très fort en recul, à la base.
Pourtant, qu’est-ce que ça fait du bien de pleurer ! Un peu comme quand on ne retient plus une grosse envie (de ce que vous voulez, je ne rentrerai pas dans les détails).
S’autoriser les larmes : elles sont bien là pour quelque chose, non ? Qu’est-ce qu’elles veulent nous dire ? On va les écouter à la fin, oui ?
— Mais j’ai pas envie, ça fait mal, et c’est pas confortable ! (Et j’ai l’air con, en plus.)
— Ben oui, enfin non, ce n’est pas confortable. Pas facile, de s’écarter de notre petite zone de confort, hein ?
— Oui, et d’ailleurs, qu’est-ce qu’on gagne à se faire mal comme ça ? (Et à avoir l’air con ?)
— Heu… on a déjà mal avant, quand on se retient, mais on veut pas l’entendre. Quant à avoir l’air con, au moins tu auras l’air authentique.
Les avantages de s’autoriser à s’exprimer ? Tiens, j’aime bien ce mot, exprimer, expression : faire sortir le jus en pressant, synonyme d’extraire, extraction). On a tout à y gagner, et en particulier, savoir ce que l’on pense vraiment (même si c’est pas toujours joli-joli, mais on s’en fiche y a personne qui nous entend à l’extérieur), et puis c’est NA-TU-REL !
S’autoriser nos émotions, belles ou moches.
D’ailleurs il n’y a pas d’émotions belles ou moches. L’émotion est une émotion, un signal, elle ne sert qu’à ça : à nous informer de quelque chose. Et rien d’autre. Encore une entourloupe (ça s’appelle des biais cognitifs, toutes ces auto-interprétations qu’on se fait : c’est super intéressant, il y en a partout ! notre mental nous mène par le bout du nez, c’est un truc de dingue !) une entourloupe, donc, de notre petit mental qui se dit que hou ! ça doit bien être la faute de quelqu’un d’autre, si on pleure, si on est en colère, si on est frustré, etc. Haha, piégé ! On sait que c’est toi, allez, hop, arrête ton cirque là, pleure un bon coup, ça ira mieux après (et c’est tellement vrai). D’ailleurs, ça arrive parfois de rigoler juste après une crise de larmes. Naturel, j’vous dis.
Je reviens sur cette CNV à la mode, qui me fait sourire. Et puis ça permet de continuer sur le recul et la nuance.
Comme si AVANT la communication non violente, il n’y avait eu rien d’autre que la communication violente, du genre : « Jean-Pierre ! C’est toi qui vas chercher les enfants ce soir, chéri ? » et bim ! un coup de pelle pour que Jean-Pierre comprenne bien.
Heureusement, non : avant la CNV, on faisait déjà de la CNV, mais on ne l’appelait pas comme ça (cette manie de mettre des noms partout aussi…), jusqu’au jour où les fessées ont été interdites, et que la non-violence a fait la une (à côté du féminisme et de l’inclusivité, entre autres) et qu’ils se sont mis à sortir des bouquins là-dessus avec pléthore d’études en Suède à se demander si les gosses devenaient pas débiles à cause de la CNV (ou de leurs parents).
Donc on ne dit pas (je suis désolée pour tous les Kévin) :
« Kévin range ta chambre, ça ferait super plaisir à maman qui n’en peut plus de voir ce bordel, cette maison sale, la vaisselle pas rangée et le chien que personne n’a pensé à faire sortir depuis trois jours ». On dit encore moins :
« KEVIN ! Si tu ranges pas ta chambre TOUT DE SUITE, je fous TOUT par terre dans CINQ MINUTES ! T’es prévenu ! » (Hou, les menaces et le vilain chantage, pas CNV du tout, ça ! Et les cris, ça les traumatise, attention). Eh oui, on ne motive pas un gosse avec le faire plaisir à…, c’est je ne sais plus trop quoi (j’avais lu des bouquins là-dessus, quand ma fille était petite) comme malsain-non constructif-pervers. On ne fait pas de chantage. On ne s’énerve pas.
Non, en CNV, on est très bienveillant et on reformule (faut déjà avoir la tête à reformuler, mais heureusement il y a aussi plein de bouquins à ce sujet) :
« Kévin, tu es un grand garçon maintenant, tu es capable de ranger ta chambre tout seul comme les grands, ce qui t’apportera plein d’avantages ! [Parler avec enthousiasme pour lui donner l’exemple, NDLR] D’abord, bien ranger autour de toi, te permettra de gagner en clarté mentale, car ce que tu vois à l’extérieur c’est aussi ce que tu es à l’intérieur [tiens, comme les yaourts au Bifidus Machin, NDLR]. Ensuite tu retrouveras plus facilement tes affaires, pour l’école, pour jouer, etc., et enfin, c’est bien meilleur pour ta santé, car une chambre rangée, ça sent bon et c’est propre, il n’y a plus de microbes cachés partout qui pourraient te faire tousser, éternuer. [On peut éventuellement rajouter] Tu sais, Kévin… si tu veux me dire quelque chose, je ne sais pas moi, qui t’empêcherait de ranger ta chambre, je suis là pour en parler, OK ? »
(Ma collection d’acariens maman ! je les aime vraiment ils me comprennent eux ! – Oui bon d’accord, tu voudrais bien en parler au Dr Zyrtec, mon chéri ? Je te laisse y réfléchir, mon cœur, et on en reparle quand papa rentre du travail et des courses à 21 h 12.)
Et là Kévin il a les boules, parce que lui il aimait bien sa collection d’acariens, l’odeur de chaussettes-de-trois-jours, et être malade pour rester à la maison avec maman ou papa qui le chouchoute et parce qu’à la cantine c’est moins bon. Et il n’a pas trop compris le coup de la clarté mentale.
On met en valeur l’action de Super Kévin. Maman est très fière de toi, devient : Tu peux être fier de toi (et on pourra ensuite débattre du sentiment de fierté pour construire un enfant, on est en CNV, attention). On met en valeur la forme affirmative, Tu ne perdras plus tes affaires, devient : Tu retrouveras plus vite tes affaires. Tu n’as pas inventé le fil à couper le beurre ! devient : Tu as trouvé l’eau chaude, c’est bien ! et ainsi de suite. Bref, parler CNV, c’est bac +2 minimum (et vous avez vu le temps et la place que ça prend ?!)
Et puis, surtout : nous ne sommes pas TOUS aptes à pratiquer la gymnastique-CNV (même si on veut tous qu’on le pratique un minium avec nous).
Avec ma sœur, on avait essayé, un jour que nous passions des vacances au ski avec nos filles. Elles avaient 6 et 7 ans. On voulait être cool, des mamans modernes et tout, c’étaient les vacances, on avait le temps, et nos deux Bac + 5. On a tenu un jour et demi. Le deuxième jour, on a dû se fâcher très fort (gros mots et gros décibels) pour qu’elles arrêtent de faire n’importe quoi. Pas très CNV, mais efficace (et je précise : sans séquelles physiques ou mentales). En attendant, les enfants se sont bien amusées, et les mamans ont réajusté leur « curseur CNV ».
Pas obligé donc de balancer des coups de pelle sur ce pauvre Kévin à chaque chaussette sale, mais il faut qu’il comprenne que maman, papa, et les autres, sont des gens comme lui, et que parfois nous aussi, on est contrariés, frustrés, énervés, mais qu’on les fait ces putains d’efforts pour que tout le monde puisse vivre ensemble dans le respect et le bien-être physique et mental de tous.
En communication normale, on dit « se foutre la paix ». C’est plus clair et plus rapide.
Et pas besoin de la CNV pour qu’un enfant devienne débile ou brillant. Pas besoin non plus de mode d’emploi pour devenir un parent bienveillant, de toute façon, il n’y en a pas (de mode d’emploi ; des parents bienveillants il y en a plein). Pas besoin de rester calme en toutes circonstances, c’est impossible. Enfin, non. C’est inhumain, surtout.
C’est inhumain de vouloir abolir les émotions de colère, frustration… Et le gosse plus tard, vous imaginez s’il a été biberonné à coup de CNV 3.0, le jour où il découvrira des vrais gens énervés, qui crient, qui sont en colère et tout et tout ? Imaginez son choc quand il débarquera dans la vraie vie, ou pire : dans la cour de l’école à 3 ans. La vraie expression des vraies émotions des vraies gens.
Non franchement, rendons leur service : soyons naturels et justes, avec nos enfants, avec tout le monde, et surtout… avec nous-mêmes. Et pour ça, il faut bien commencer par voir, puis par accepter ces fameuses émotions, chez les autres, et surtout… chez nous.
Et comment on fait ?
Je ne sais pas (toujours pas de mode d’emploi…), mais on peut trouver un équilibre, fuir les extrêmes (violence des émotions vs mollesse de la CNV), on va y arriver, mais il faut tâtonner. Notre meilleur mode d’emploi, c’est le bon sens que nous avons dans notre cerveau, et ce bon sens a besoin d’entraînement pour grandir. Bon sens, nuance, et persévérance.
Et le bon sens nous dit qu’il est nécessaire de rire ET de pleurer.
2 – Deuxième outil : l’humour
Chacun le sien, ça se respecte. Ça sauve des vies, ça remonte le moral, ça change d’angle de vue dans des situations qui sont parfois pénibles. Merci les amis ! Merci d’oser les pavés dans les mares et les blagues à la con, d’oser parler des choses qui font mal en nous faisant du bien. L’humour n’est jamais loin de l’amour, et ce n’est pas qu’une question d’orthographe.
3 – Troisième outil : les mouchoirs
Le kleenex est aux émotions ce que le PQ est aux toilettes. Nécessaires et merveilleux outils. Après, on peut toujours pleurer dans la mer, sous la douche, ou s’essuyer sur sa manche ou son mec. Il n’y a pas de PQ partout non plus.
4 – Quatrième outil : l’ami, ou le psy, ou les deux
Alors là, ça devient plus compliqué pour beaucoup…
Du trop classique : « Ah mais j’ai pas besoin d’aller voir un psy, je suis pas fou », au laborieux : « Non mais ça va passer, je suis juste un peu déprimé en ce moment », en passant par compréhensif : « Non mais c’est normal, et comment ils font les autres, d’abord ? »
Mais on s’en fout, des autres, je te parle de MOI ! ma santé, mon avenir ! J’ai pas envie de passer le reste de ma vie à me lamenter, à faire la gueule et à vivre dans le noir – j’ai envie de vivre, mais ça n’a juste plus aucun goût…
Alors, soyons logiques : on chope une otite, on va chez l’ORL. La voiture est en panne, on va au garage. On chope une dépression, on va voir un psychologue. Ou un psychiatre, un sophrologue, mais un thérapeute quoi ! Des professionnels existent pour la santé mentale, c’est leur JOB de nous aider ! (Sinon ils seraient garagistes ou ORL.) La plupart du temps, on ne peut pas soigner son otite tout seul, ni réparer sa voiture tout seul, ni réduire sa fatigue mentale grandissante tout seul.
Chacun ses compétences.
Chacun son job.
5 – Cinquième outil : le temps
Ha ha ! Là aussi, c’est compliqué pour certains.
Manquons-nous réellement de temps ? Ou de patience ?
À l’ère de l’immédiateté, SMS, réseaux, notifications, du numérique, en gros, on a oublié que nous étions des êtres biologiques, pas numériques. Pour le vivant, IL FAUT DU TEMPS !
Un arbre a besoin d’années pour déployer sa ramure, être grand, faire de l’ombre et accrocher le hamac. Notre mental et notre expérience aussi. Pour grandir, nous avons besoin d’apprendre à nous tromper. Et d’apprendre à l’accepter. Et ça prend du temps.
La persévérance, l’entraînement. Les sportifs peuvent en parler : il faut du temps pour atteindre un objectif, et une bonne dose de détermination. Encore faut-il savoir ce qu’on veut vraiment, bien sûr…
Un objectif, un projet : aussi simple qu’il soit, il n’est jamais facile. Difficile projet, que celui de l’humain, qui est de naître, grandir, vivre, et mourir. Car comme dit l’autre :
« Il faut toute une vie pour apprendre à vivre »
Audrey Fario, le 23 novembre 2023