Par la fenêtre #lachronique
La fenêtre : à travers, derrière, de l’autre côté de. Passer par, sauter par.
Jeudi 5 heures #17/04/2024
Mille ans
flottent
dans l’océan du ciel. Un milan noir.
Bonjour les yeux,
et bienvenue chez moi, dans ce petit bout de ma tête qui parle !
J’avais prévu de parler de cette sensibilité nippone qui trouve du beau dans l’origami, le mont Fuji et la calligraphie, mais finalement non. Finalement je regardais par la fenêtre et je contemplais deux goélands là-haut. Quand la tramontane souffle comme aujourd’hui, les joueurs sortent : milans, goélands — immense terrain de jeu.
*
J’ai toujours rêvassé par les fenêtres (surtout en classe).
J’ai huit ans et mes devoirs à faire. Je regarde les goélands. Elle entre et me lance : Allez, allez, bouge, au boulot ! Le regard toujours dehors, je réponds : Regarde comme ils dansent, ils sont tous les deux, là, à tourner en rond, l’un autour de l’autre. — Oui ben, c’est pas ça qui va faire tourner le monde. Allez !
Une égratignure. Cette phrase m’égratigne, comme une injustice, comme si c’était moi le goéland qu’on grondait parce qu’il ne va pas à l’école. Et c’est sorti tout seul : Parce que tu crois qu’il a besoin de nous, le monde, pour tourner ? Maman s’est immobilisée. Instant fugace, suspendu et syncopé.
Puis le mouvement reprend pour venir poser un baiser d’ombre sur mon front et, dans un demi-sourire, elle me souffle : Tu as raison. Elle s’en va, me laisse à mes goélands.
*
Pourquoi tant d’acharnement à vouloir faire tourner un monde qui tournerait très bien sans nous ? Ego, pouvoir, contrôle, bêtise ou obscurité ? ou un peu tout ça à la fois ?
Je crois à l’obscurité (l’absence de lumière) mais je crois encore plus à l’éblouissement de ceux qui poussent sous lampe ou sous néons vitaminés ; et malgré leurs éclairages à beaucoup trop d’étages, je crois à cet excès de luminosité qui finit par cramer la rétine.
Nuancer, encore et toujours : non, on ne voit pas mieux avec la lumière en pleine gueule. Intensité et temps d’exposition : trop de noir ou trop de lumière, trop longtemps, dans les deux cas de toute façon, ce sera foutu.
*
Un matin, tu te lèves, tu repenses à un vieux débat, et tu t’aperçois qu’aujourd’hui certains se posent des questions que toi, tu ne te poses plus.
Tu vois le temps, passé, et ta légèreté, présente — gagnée non sans peine. Tu vois l’agitation, de l’autre côté, avec ses tourbillons, et tu regardes : ta paix, ton calme. Un calme rempli, plein de force et d’énergie, une densité — ça ressemblerait bien à un ancrage.
Les questions qu’on ne se pose plus : pas une assurance ni une certitude, non. Ni une absence de doute non plus. Tu sais juste que les explications sont un mouvement perpétuel et fatigant, et que certaines réponses sont naturellement dans le cœur, là où il n’y a rien à expliquer, là où tout est clair, pur, et simple.
Du simple pas simple à expliquer. Donc on n’explique pas, c’est tout. Et ça se fait tout seul, ce léger éloignement des agitations mentales. On finit par glisser, on préfère s’écarter, pour rester là.
Le calme : la solitaire paix du cœur.
*
Le doute : épuisant vortex.
Nécessaire, car sur la route — inévitable.
Il nourrit le mental incertain, apeuré, infatigable, biaisé, qui cherche les preuves extérieures — s’assurer, se rassurer, chercher un point de stabilité dans le tumulte. Mais ce point, dehors, il n’existe pas : il est dedans, on a chacun le nôtre. Se faire confiance. Voilà, c’est ça : la présence d’une confiance, à l’intérieur. Et non l’absence de doute (ce serait des certitudes, et ce n’est pas ça non plus). C’est une confirmation, une visite régulière — à défaut d’un état permanent — d’une confiance qui se pose, comme ça, dedans, d’une évidence qui est là depuis toujours, mais qu’on ne sait pas lire. Pas bien. Pas encore. Mais ça vient, ça va s’améliorer. Ça ressemble à un oiseau, en fait, qu’on pourrait apprivoiser.
*
Ce matin, je rêvassais par ma fenêtre, avec les deux goélands. Je repense aux milans photographiés il y a quelques jours à Peyriac, et à ce solitaire, perdu là-haut, dans l’immensité du ciel.
Audrey dans l’océan du monde, le 17 avril 2024
#semerveiller #enfantinterieur
#ecouterlesilence #tranquillite
PS : je n’ai pas réussi à savoir si c’était un milan noir ou un milan royal, si quelqu’un a une astuce pour identifier l’animal ? (C’est le même sur les trois clichés), merci !
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