MOI JE DIS « chocolatine » #lachronique

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MOI JE DIS « chocolatine » #lachronique

à nos manies

Jeudi 5 heures #21/03/2024

 

Bonjour les yeux,

et bienvenue chez moi, dans ce petit bout de ma tête qui parle !

 

J’étais en train de rédiger un article sur mes rituels d’écriture (ou mes manies d’humain, c’est pareil), lorsque je pensais à ma façon préférée de débuter la journée : un petit-déjeuner bien franchouillard. Il m’enthousiasme pour les heures à venir, mais reste occasionnel (ce ne serait pas sérieux), avec donc ce délicieux petit goût d’inhabituel.

 

J’ai nommé : un croissant beurre ET une chocolatine,

tièdes (et frais du matin, du super boulanger du coin de préférence), accompagnés d’un double expresso allongé (merci le percolateur), le tout savouré avec lenteur au soleil (l’hiver, derrière ma baie vitrée parce qu’il fait trop froid dehors).

Un moment suspendu : le plaisir des viennoiseries du dimanche, en semaine… (avec l’impression de manger un morceau de dimanche).

Parfois orange pressée. Si je n’ai pas de viennoiseries, c’est club sandwich avec ce que j’ai sous la main. Jambon beurre salade, tout simplement. Le vrai bon goût du beurre, surtout pas de margarine. Avec une pointe de piment ou de moutarde.

 

Une chocolatine en particulier m’a marquée à Toulouse, en seconde à Saint Sernin. À la récré du matin, vers 10 heures, avec Valérie, nous partions vite, direction le lycée Ozenne, juste derrière, où dans une minuscule gargote un boulanger sortait ses viennoiseries du four. Elles étaient brûlantes, lourdes, grasses et généreuses. Moelleuses et savoureuses à souhait. Je me souviens de leur poids, et je n’en ai jamais retrouvé d’aussi dodues (PS : je prends toutes les infos, sait-on jamais).

 

À Toulouse, dans les années 80 / 90, on disait chocolatine, je ne me souviens pas d’en avoir vraiment débattu. Déjà parce que le débat n’existait pas (enfin je crois ; j’ai quand même passé 19 ans de scolarité entre le CP à Ramonville-Saint-Agne, et la fac à Rangueil, en passant par Drémil-Lafage et Balma). Mais surtout à 15 ans je m’en foutais royalement. Je dégustais mon pain au chocolat.

 

En 1999, quelques mois après mon arrivée dans les Pyrénées-Orientales, je découvris deux questions que je ne m’étais jamais posées :

– Les locaux vont-ils m’accepter ?
– On dit chocolatine ou pain au chocolat ?

J’avais 24 ans, un vieux Catalan venait de me traiter de gavatx¹, je découvrais l’ampleur du débat chocolatine vs pain au chocolat. Bon. Folklore local, avec la sardane et les rousquilles sans doute.

Je n’ai jamais trop cherché les réponses à ces questions existentielles par la suite, les locaux m’acceptant curieusement dès qu’ils avaient mal aux dents et le débat viennois n’en étant pas vraiment un.

 

 

Mais quand même : pourquoi ces deux camps chocolatés ?

 

Le seul livre que j’ai pu trouver à ce sujet (Mundus chocolatinis, de Jean Jules Jacob – Éditions de la Rhune – ISBN‏‎ 979-1092229196) date seulement de 2023 : ignorance ou complotisme ? le mystère reste entier…

Sachez toutefois qu’en février 2022, la presse nous informait que Jean Lapoujade, historien et boulanger (et pas des moindres), avait déjà tranché… ²

 

 

Un peu d’humour…

 

Personnellement, ça me fait sourire, et je taquine le sujet comme d’autres taquinent la truite. En ce qui concerne l’humour, nous avons tous des limites différentes, car nos susceptibilités le sont aussi, différentes. D’où les fluctuantes limites entre second degré, sarcasme, humour noir, et dérision. Ou quand une taquinerie devenue provocation, ouvre un débat nouveau.

 

les difficultés de communication selon bernard werber

 

 

Un peu d’habitude…

 

Je crois que les habitudes (sociales, familiales… heureusement que le pain au chocolat n’a pas été récupéré par la religion !) y sont pour beaucoup.

« On m’a toujours dit que… donc c’est que c’est vrai. »

À trop répéter sans chercher à comprendre, les habitudes se transforment vite en bêtise, et si on ne les dépoussière pas un peu de temps en temps, ça finit juste par rendre con. Se raccrocher à une étiquette de langue locale sous prétexte d’identité, bref, croire en une chose parce qu’on nous l’a rabâchée et qu’on n’a jamais eu de meilleur argument… un peu arbitraire, comme affirmation.

Attention, on peut tout à fait être instruit / intelligent / empathique et être profondément ancré à une habitude : le coup des habitudes c’est avant tout le cerveau qui fait l’arapède (ils restent accrochés tous les deux à leur rocher). Le mental a ce vieux réflexe limbique de protection de l’espèce, qui l’amène à se méfier de tout ce qu’il ne connaît pas (c’est un peu fou que la chocolatine nous amène jusque-là).

 

 

Un peu de goût perso…

 

Nos mots sont aussi comme nos gestes : on préfère faire comme ça plutôt qu’autrement. C’est une histoire de goûts personnels, entre ceux qu’on s’est fabriqués, et nos petites manies qui nous rassurent.

Je dis parking et pas espace de stationnement, chapeau et pas couvre-chef. (Je ne dis pas que j’ai raison, mais j’aime bien faire au plus court, niveau syllabes.) Dressing ou espace de rangement textile ? Vélo ou véhicule à pédales ? (et pédalo ça ne marche pas, essayez d’aller à la poste en pédalo, ça va être compliqué.) Stylo ou outil scripteur ? Gros clin d’œil au succulent et très sérieux vocabulaire pédagogique. ³

Bref, utilisons les mots qui nous plaisent, ainsi qu’un peu de nuance, et controns ces guéguerres inutiles, que diable !

 

 

… et un peu de musique

 

Enfin, moi perso, la raison principale pour laquelle je continuerai à dire chocolatine, c’est que c’est un mot qui chante, qui module, essayez, prononcez les deux à voix haute.

« Chocolatine » :

Ça monte un peu au milieu ou à la fin, un mot qui bouge, un mot qui gigote, qui se trémousse, qui parle avec l’accent du sud. Et cette dernière syllabe en –ine est mignonne, enfantine.

« Pain au chocolat » :

C’est plus raplapla, moins rythmé, un petit long fleuve tranquille, il bouge moins, il est plus sérieux, plus adulte.

La musique des mots. Je préfère la première chanson, c’est tout.

 

 

Des bienfaits de la mixité littéraire, boulangère et sociale

 

Notre langue est riche de synonymes, de doubles sens, de sonorités, il y a de la place pour tout le monde, et les chocolatines peuvent vivre en paix au milieu des pains au chocolat (on donne bien des prénoms différents à nos jumeaux).

La parole est un espace de partage et d’échange où les mots doivent rester libres : respectons nos différentes façons de nous exprimer.

Et si un mot ou une phrase nous gratte-grince toujours, eh bien interrogeons-nous au lieu d’affirmer que c’est de la faute du voisin si on est en colère. (D’ailleurs, rien de mieux qu’une dose de beurre et de chocolat pour apaiser le grincement révélateur.)

Ces débats verbaux prêtent à sourire, puisqu’ils n’en sont pas vraiment. Ou alors, si vous y tenez toujours, cherchez le débat — en vous — qui se cache derrière… le débat qui cache le débat, l’arbre qui cache la forêt : juste un petit décalage d’angle de vue… un tout petit peu d’introspection et d’honnêteté (oui c’est dur parfois, parce que c’est pas toujours joli-joli nos vraies raisons de désaccord, mais personne ne le verra, il n’y a que nous à l’intérieur).

Et là, avec ce nouveau petit regard, c’est nous qui gagnerons en liberté et en légèreté.

Eh oui, plus de légèreté avec une vraie chocolatine au beurre, qui l’eût cru ?

 

Audrey, au petit-déjeuner, le 5 mars 2024

 

petit déjeuner rituel club sandwich café jus d'orange pressée soleil

Version soleil & club sandwich

 

 

¹ Surnom affectueux désignant en particulier les Audois pour les Catalans, ou les Lozériens pour les Aveyronnais, voire plus généralement les Français pour les Castillans, et les Américains pour les Mexicains. Syn. : étranger, crétin, ou les deux. Merci à Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gabacho, et aux épiques explications locales : https://www.a-bisto-de-nas-vavassori.fr/gabatch_guirbe.W.htm
² https://www.lebonbon.fr/paris/news/pain-au-chocolat-chocolatine-historien-debat/
³ Le vocabulaire pédagogique éducnat : découverte et rire garantis, allez y faire un tour, ça vaut vraiment le détour ! https://www.monsitenany.fr/la-langue-fran%C3%A7aise-dans-tous-ses-%C3%A9tats/pour-la-rentr%C3%A9e-2021/

Sites consultés le 18 mars 2024 à 12:34

 

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