Encore un coup de (la) main #lachronique

Encore un coup de (la) main #lachronique

LE POUVOIR DE LA MAIN

(ça tombe bien, j’en ai deux)

Jeudi, 5 heures #25/01/2024

 

Bonjour les yeux !

… et bienvenue chez moi, dans ce petit bout de ma tête qui parle !

 

 

Ce week-end, au salon du cheval d’Avignon…

 

Ah. C’est reparti… on dit les « jambes » des chevaux, me dites pas qu’on dit les « mains » des chevaux aussi ?

Non, non, nos mains à nous (et c’est déjà bien de savoir que les chevaux ont des jambes, et pas des pattes svp, c’est pas des araignées).

Donc à Avignon, dans la rue, forcément, des affiches du festival : devant moi, d’immenses mains.

La main a quelque chose de fascinant (en tous cas, qui me fascine, moi). Déjà, c’est très difficile à dessiner. Et c’est très expressif, une main. Même les vraies, les vivantes (on quitte le dessin, c’était pour l’intro et je trouvais ça joli).

 

Les mains des bébés, mini-douces qui sentent bon le lait, les mains de nos vieux, parchemin veiné, douceur translucide à l’odeur de savonnette.

Entre les deux, tous les âges, toutes les vies :

les mains des travailleurs, des comptables, des tricoteuses, des palefreniers (ça sent bon la terre et le cheval), des cantinières et des infirmières (rugosité trop sèche d’une peau trop jeune). Les mains qui piochent la pièce (ou la carte bleue), qui choisissent d’acheter. Ou pas. La main qui dit non.

Ces mains qui font tout, ou presque, quand on les a.

 

 

Et là, je pense au handicap, à la dépendance,

à comment on fait, quand ces mains ne sont pas là ?

 

La main du musicien, qui devient partition et mélodie – danse et mouvement à la fois – outil et finalité.

La main de l’expression, artistique ou verbale, la main du contact, de la communication, de la découverte tactile. Elle varie les intensités et subit ta bonne, ou ta mauvaise volonté.

 

 

« Oui, c’est bien moi : je suis la main, et je fais tout ça. »

 

Je suis présente – pour le moment. Je te suis indispensable, avoue : je suis bien utile à ton shampooing à tes lacets à ouvrir ta porte de ta maison de ta voiture et te gratter là où ça titille.

Tous les jours.

Je te fais propre je te nourris je t’habille, et c’est moi qui écris pour le dire !

Moi qui poste une lettre qui envoie les mails et qui appelle tes amis, je suis l’ouvrière du quotidien, l’ouvrière de l’ouvrier, et celle de l’intellectuel – ah les drôles, qui pensent être au-dessus de l’ouvrage !

Je suis la main qui caresse aussi, qui gifle qui montre du doigt. Ou pas. Qui se tait paralysée lourde honteuse. Qui gueule arrogante poing fermé. Qui fait ce qu’on lui dit. Qui sait refuser d’avancer, quand il faut.

La main immobile aux doigts impatients. La main impatiente aux doigts immobiles.

Méditative, agitée, ou endormie. Tellement vivante.

La main sur le cœur, la main au panier, la main dans le sac, la main dans la main : j’en fais, des trucs !

 

Chaude ou glaciale, je peux appuyer sur la détente, nouer la corde du condamné – ou la défaire, aussi –, m’alanguir dans de félines caresses, m’agacer sur un devoir d’écolier, virevolter dans l’orchestre, prier dans l’obscurité.

Utile et pragmatique, je cherche le pou caché dans la tignasse, la crotte de nez, le petit bouton qu’on avait pourtant senti, là, je berce les enfants et je dis que leur peau est douce comme un abricot tiède ; mais je sais aussi noyer les chatons encombrants.

J’explore les corps dans leurs régions les plus intimes et parfois les plus froides ; il faut bien soigner les morts. Je suis partout je sers à tous et à tout, dictateurs et grands sages.

Je ne pense pas, j’agis.

 

 

Si tes pieds te poussent et te portent, moi je te hisse et te tracte.

Et quand tu perds pied, c’est moi qui te retiens.

 

Sous vos yeux, j’ai la position du témoin quotidien. Je suis votre nature humaine accrochée à vos épaules. Je partage vos moments de force, de faiblesse, de joie, de tristesse. J’exécute le geste ultime demandé par vos neurones stimulés du matin au soir, et du soir au matin.

Attachée à ce corps qui croit que je lui appartiens, j’avoue ma dépendance neurologique : c’est moi qui ai besoin de ton corps. Sans tes fibres nerveuses, je suis incapable, sans tes contractions musculaires, je suis inutile, sans tes os qui me sculptent, je deviens chiffon.

Alors profite de moi aujourd’hui, de ma santé et de ma dextérité, car aujourd’hui je suis toute ton humanité au bout de tes bras, je suis tes possibles, tes désirs et tes peurs, tes desseins les plus sombres, comme les plus flamboyants.

Aujourd’hui, regarde-moi, et laisse-moi faire. »

 

 

Audrey, de ses dix doigts, le 24 janvier 2024

 

 

 

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