IMAGES & MOTS #lachronique
Les clichés qui font du bien !
Jeudi 5 heures #04/04/2024
Bonjour les yeux,
et bienvenue chez moi, dans ce petit bout de ma tête qui parle !
« Cette fleur n’est pas une fleur. »
C’est une porte ouverte sur les rêves, un morceau de l’enfance qui observait les fourmis, c’est le bruit du vent dans les feuilles et la couleur qui secoue des pétales cramoisis.
Cette fleur n’est pas une fleur, c’est le miroir et son objet, un corps et son reflet, qui devient une infinité de possibles.
J’avais environ 25 ans, quand je (re)découvrais le plaisir des formes et des couleurs, des géométries visuelles, des jeux d’ombre et de lumière. Un second regard (d’enfance ?) avec des yeux neufs : à travers l’objectif.
Un peu plus tard, révélation de la macro – le focus, le détail — pour ranimer le visible invisible à l’œil de l’homme pressé.
Comme la lecture, la photo offre ce ralenti propre à l’observateur curieux. Attentif. Ou juste fatigué de marcher.
*
Presque tous les ans, quelques semaines après l’éclosion du printemps, je me balade dans mon jardin, en mode macro. (Les jours de pluie sont mes favoris, j’y reviendrai une prochaine fois.)
Aujourd’hui, c’est cette tache rouge brillant, qui m’appelle depuis une semaine du fond du salon : mon anthurium coriace me cligne de son œil écarlate. J’ai pris mon Canon et le 100 mm, et je l’ai capturé, cet écarlate.
Puis le violet de l’arbre de Judée, le jaune de la roquette sauvage, le rose tendre du jasmin odorant, le doux vert de la vigne qui s’offre au ciel, le lavande des campanules (celles qui sont en face du héron), et le blanc nuageux de la spirée du Japon.
Rapidité et spontanéité du flow, en photo comme en mots
On pose le mental pour attraper la carte mémoire et la batterie — une centaine de clichés défilent bientôt sur l’écran — et comme pour l’écriture : supprimer les répétitions, rogner, tourner, tester. Corrections et relectures de l’image. J’y reviens en général trois fois. Je joue. C’est très amusant d’observer les différents résultats, avant la sélection finale (10 % en moyenne). Beaucoup de ratés, mais toujours une poignée de surprises.
Tout doucement, les fleurs, les tonalités, les formes, les lignes se transforment, jusqu’à ce moment où l’image apparaît enfin, compacte, concentrée, une transe focalisée — Boum ! — petite explosion délicieuse, presque hypnotique, de la chute en couleur ou noir et blanc.
Le noir et blanc a sa magie, il révèle l’architecture. Doté du pouvoir de délicatesse, il exprime la sobre élégance de toute chose. Avec sa pudeur silencieuse, sa sensibilité est toute différente de celle de la couleur.
Les couleurs font toujours du bruit, toujours un minimum. Les nuances de gris se taisent, elles parlent une autre langue (parfois très fort).
Je vous laisse juger : une fleur, deux atmosphères, deux lectures, deux ressentis.
*
On aime ce que l’on connaît, et on connaît ce que l’on observe.
La nature la plus simple est simplement précieuse — leçons de vivante aux humains moitié morts.
La photo macro a de l’humour : c’est quand nous nous rapprochons du modèle, que nous prenons du recul avec lui. Bien joué, l’angle de vue.
Comment un détail très ordinaire peut devenir extraordinaire.
Comment ce temps, passé à expérimenter (contrastes, nuances, courbes ou arrière-plans), devient profondément méditatif. Et rend vivant, lui aussi.
S’émerveiller
Qu’une image puisse se métamorphoser ainsi : l’anthurium si masculin dans son habit rouge foncé, perd toute arrogance dans un noir et blanc quasi aquatique. (C’est très yin & yang cette histoire, non ?) Qu’un modèle puisse être simultanément masculin et féminin.
C’est fascinant, la photo.
Francs contrastes et dualité
Du sobre et de l’éclat, du suave et du tranché. Les silences entre les sons, les soupirs dans les conversations.
Et la spirée simplement romantique qui s’envole dans une vapeur ésotérique…
« Cette fleur n’est pas une fleur
– un temps de suspension —
Ne nous laissons pas noyer
de normalisation »
Audrey et son ami Canon*, le 30 mars 2024
*boîtier EOS 100D, objectif macro 100 mm 1:2.8 L IS USM
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